
L’œuvre « Analyse sémiotique du discours : De l’énoncé à l’énonciation » de Joseph Courtés constitue une contribution majeure à la sémiotique, domaine centré sur l’étude des signes et de leur organisation dans le discours. Courtés y propose une analyse approfondie des mécanismes de signification, en explorant deux niveaux fondamentaux : l’énoncé, qui renvoie au contenu explicite du discours, et l’énonciation, qui traduit la dimension subjective et contextuelle de sa production.
Comment l’auteur articule-t-il ces deux notions tout en les intégrant dans une réflexion théorique et méthodologique sur la construction du sens.?
1. L’énoncé : Une approche structurale
Dans cet ouvrage, Courtés adopte une démarche rigoureusement structurale pour définir l’énoncé. Il le perçoit comme une unité de discours stabilisée, dépourvue des traces de son émetteur. En s’appuyant sur des outils empruntés à la linguistique (notamment à Saussure et Hjelmslev), l’auteur explore la structure profonde du texte, le réduisant à un système de relations signifiantes. Cette approche souligne le caractère abstrait et universel du sens, en insistant sur les règles syntaxiques et sémantiques qui régissent la production de l’énoncé.
Cependant, Courtés ne se limite pas à une analyse purement formelle. Il montre que l’énoncé, bien que fixe, porte en germe les indices d’une énonciation à venir, ce qui ouvre la voie à une perspective plus dynamique et interactionnelle du discours.
2. L’énonciation : La subjectivité dans le langage
Dans sa deuxième partie, Courtés s’intéresse à l’énonciation, qu’il définit comme l’acte par lequel un sujet inscrit sa présence dans le discours. Contrairement à l’énoncé, l’énonciation met en lumière la dimension contextuelle et temporelle de la production langagière. L’auteur analyse ici des phénomènes comme la deixis, les modalisations et les marques pronominales, qui reflètent la position du locuteur et de l’interlocuteur dans le cadre communicationnel.
L’approche de Courtés se distingue par sa capacité à conjuguer la théorie sémiotique avec une réflexion philosophique sur le sujet parlant. Il insiste sur l’idée que l’énonciation n’est pas simplement un geste technique ou linguistique, mais un acte de prise de parole qui engage une identité et une intentionnalité.
3. Une articulation réussie entre énoncé et énonciation
L’un des grands mérites de cet ouvrage réside dans la manière dont Courtés articule les deux concepts, souvent considérés comme antagonistes dans les études sémiotiques. Il montre que l’énoncé et l’énonciation sont inséparables : si l’énoncé constitue la « trace figée » du discours, l’énonciation en est l’« empreinte vivante ». Ce dialogue constant entre statique et dynamique, entre règle et subjectivité, reflète une vision du langage comme un processus dialectique et non une entité figée.
L’exemple des discours littéraires, que Courtés mobilise fréquemment, illustre parfaitement cette complémentarité. La lecture d’un texte narratif, par exemple, révèle une tension entre la voix de l’auteur (énonciation) et la structure du récit (énoncé), ce qui enrichit la compréhension de l’œuvre.
Conclusion
Joseph Courtés, dans « Analyse sémiotique du discours : De l’énoncé à l’énonciation », propose une réflexion novatrice sur les mécanismes de signification en alliant rigueur théorique et sensibilité au caractère vivant du langage. L’interaction entre énoncé et énonciation ouvre des perspectives fécondes non seulement pour la sémiotique, mais aussi pour les disciplines connexes comme la linguistique, la philosophie ou l’analyse littéraire. En définitive, cet ouvrage demeure une référence incontournable pour toute réflexion sur la nature du discours et ses enjeux communicationnels.
